Les AirPods, un cadeau de Noël ni réparable ni recyclable


Le plus vieux modèle d’AirPods avec l’étui.

Depuis le 15 décembre, une prime publique à la réparation réduit légèrement le coût du dépannage de certains appareils électroniques. Mais les ateliers de réparation ne pourront rien faire pour les appareils impossibles à remettre en état, tels les AirPods d’Apple, un cadeau de Noël pourtant populaire, parfois en rupture de stock sur cette période, et qui domine les ventes de petits écouteurs sans fil.

Selon le spécialiste des guides de démontage iFixit, les AirPods Pro 2 sont en effet l’un des rares appareils électroniques impossibles à remonter après avoir été mis à nu : un scalpel est nécessaire pour parvenir à extraire leur batterie, ce qui endommage irrémédiablement leur coque en plastique. Cette opération s’avère pourtant nécessaire après quelques années de vie, quand l’endurance de la batterie chute trop.

Brûlés ou enfouis

Lorsqu’un appareil n’est pas réparable, la seule échappatoire écoresponsable consiste alors à l’envoyer au recyclage. Hélas, ça n’est pas non plus une solution viable pour les AirPods, dont les matériaux sont coûteux à extraire et à revaloriser. « Nous avons bien essayé de les démonter, mais c’est un cauchemar, témoigne auprès du Monde Claire Maetz, responsable qualité et sécurité aux Ateliers du bocage, spécialiste du démantèlement manuel. On a pensé à les désosser en tapant dessus, mais c’est dangereux, leur batterie pourrait prendre feu, et cela n’est pas un travail humain. »

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Pour recycler des AirPods, la voie royale reste de les envoyer directement à Apple, qui paye un partenaire pour mener à bien leur démantèlement manuel. Pour ce faire, on peut les déposer dans l’un des vingt magasins de la marque. Ou, au cas où l’on achèterait une nouvelle paire, on peut obtenir du fabricant une étiquette postale prépayée afin que l’ancienne soit collectée à domicile.

Les écouteurs d’Apple finissent très souvent incinérés dans un four destiné aux déchets dangereux, selon Ecologic

Reste que la firme de Cupertino (Californie) ne paraît pas tenir beaucoup à ce que ces informations circulent : elle les a reléguées tout au bas de sa page consacrée au recyclage. Dans cette même rubrique, Apple met plutôt en avant une autre filière : la collecte dans les bacs de déchets électroniques des grandes surfaces. Or, dans cette filière-là, les AirPods ne sont pas réellement recyclés, ou très rarement. Selon Ecologic, un éco-organisme mandaté par l’Etat pour assurer la récupération des déchets, choisir et contrôler les recycleurs, les écouteurs d’Apple finissent en effet très souvent incinérés dans un four destiné aux déchets dangereux, une opération qui porte le nom de « revalorisation thermique ». Fort rares sont les écouteurs dont les matériaux sont séparés manuellement pour être réutilisés.

Cette trajectoire, si décevante soit-elle, reste néanmoins préférable à celle de beaucoup d’AirPods, qui finissent dans les poubelles ménagères comme des déchets ordinaires. « Les consommateurs ne pensent pas forcément à les jeter dans des bacs dédiés aux déchets électroniques », estime Jean-Jacques Campillo, responsable optimisation opérationnelle chez Ecologic. Ils terminent alors incinérés avec moins de précaution, ou enfouis dans des décharges avec leurs métaux polluants, comme de banals détritus.

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La problématique des petits objets

Certes, les AirPods ne sont pas les seuls appareils électroniques à finir à l’incinérateur, comme le rappelle M. Campillo, qui en dénombre « une trentaine » dans ce cas, « dont les souris sans fil, les bracelets connectés, les brosses à dents électriques ». Mais ils demeurent un cas particulier parmi ces objets :

« Nous avons commencé à identifier des solutions techniques qui nous permettent d’être optimistes pour leur traitement à moyen terme… sauf pour deux objets pour lesquels l’incinération restera probablement longtemps la seule solution. Ce sont les audioprothèses et les écouteurs de type AirPods. Ils sont trop petits pour être broyés efficacement et beaucoup trop chers à démanteler à la main, considérant le peu de matériaux qu’on peut en tirer. Cela coûterait plusieurs milliers d’euros la tonne, contre quelques centaines pour l’incinération. »

Certains modèles concurrents directs des AirPods Pro sont suffisamment faciles à démonter pour qu’un atelier de réparation accepte de changer leur batterie

Les concurrents des AirPods, eux aussi, sont trop petits pour être recyclés, sauf à subventionner fortement leur recyclage manuel. Mais ils sont généralement réparables, selon iFixit, ce qui les distingue des écouteurs de la marque à la pomme. La manœuvre demande souvent un vrai talent pour le bricolage, mais certains modèles populaires, tels les Sony WF-1000XM3, concurrents directs des AirPods Pro, sont suffisamment faciles à démonter pour qu’un atelier de réparation accepte de changer leur batterie si l’on apporte soi-même la pièce de rechange. A condition d’insister, car sur six boutiques contactées par nos soins dans plusieurs villes, un seul réparateur de smartphone, installé à Montpellier, a accepté de s’en occuper contre la somme raisonnable de 30 euros.

Interrogée sur les raisons pour lesquelles il n’est pas possible de démonter plus facilement ses AirPods, ou si elle avait l’intention d’améliorer leur réparabilité, Apple n’a pas souhaité faire de commentaire. La marque américaine a toutefois tenu à préciser que ses ingénieurs travaillaient à utiliser davantage de matériaux recyclés dans ses produits : « Les AirPods Pro contiennent 100 % d’or recyclé dans le placage de plusieurs circuits imprimés et 100 % d’éléments de terre rare recyclés dans tous les aimants. »

Pour les consommateurs les plus écoresponsables – qui essayent de faire durer leurs appareils et font l’effort de les réparer –, mieux vaut donc privilégier des écouteurs plus réparables, siglés Sony et Samsung, par exemple. Ou mieux, des casques classiques à arceau, plus faciles à recycler et qui ont un atout écologique supplémentaire : ils n’ont pas tendance à tomber pour se nicher dans les cachettes ou les trous les plus insondables. Car c’est là le dernier défaut qui achève de faire des AirPods un produit particulier : on les perd beaucoup trop facilement.

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Catégorie article Politique

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